La génération meurtrie

Marine life – credit: @scubaasmr YouTube

Conférence avec François Payotte 16

“FP : Alors, du CEGEP de Maisonneuve à l’UQAM et de l’UQAM au CEGEP du vieux Montréal, on dit que les voyages forment la jeunesse, mais la jeunesse nous répond qu’elle en a son voyage, et c’est justement ce soir de quoi il va s’agir, de la jeunesse et de l’éducation, en compagnie du professeur Bernard de …” BdM

 

En Français vous lisez la transcription manuelle de la conférence de BdM, dans une autre langue la traduction par une intelligence artificielle (AI) de cette transcription manuelle, donc le résultat est à interpréter avec discernement.

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François Payotte (FP) : Alors, du CEGEP de Maisonneuve à l’UQAM et de l’UQAM au CEGEP du vieux Montréal, on dit que les voyages forment la jeunesse, mais la jeunesse nous répond qu’elle en a son voyage, et c’est justement ce soir de quoi il va s’agir, de la jeunesse et de l’éducation, en compagnie du professeur Bernard de Montréal, qu’on accueille sans plus tarder comme il se doit.

Il y a longtemps déjà, un homme se plaignait des jeunes de son temps, il disait qu’ils avaient de mauvaises manières, qu’ils étaient licencieux, qu’ils n’avaient pas de respect pour leurs aînés, et tout ce qui s’en suit. Cet homme qui se plaignait c’était Socrate, ça se passait à peine quatre cents ans avant Jésus-Christ. Deux-mille-quatre-cents ans plus tard, on continue à se plaindre encore de nos enfants, de la jeunesse.

Donc, je me demande si l’éducation de nos enfants consiste à les dresser, à être pareils à nous-mêmes, c’est-à-dire à nous singer, aussi l’éducation ne devrait pas, à côté d’une instruction technique, contenir une compréhension profonde des lois de la vie, qui en ferait des êtres différents de nous. Mais reste à savoir ce qu’il faudrait leur enseigner, alors ce que j’aimerais savoir de Bernard de Montréal, c’est son concept de l’éducation.

On a rencontré dernièrement des étudiants qui avaient l’air fort déprimé, qui souffraient, qui étaient sur le point de faire un choix, une orientation de leur éducation, de leur carrière et qui, visiblement, espéraient faire le bon choix, un choix définitif. Mais tout va si vite dans ce vingtième siècle, il faut avoir une grande capacité de s’adapter au fur et à mesure de la demande du marché peut-être, et ils souffraient de cette angoisse-là, de ne pas pouvoir mettre une permanence sur leur choix. Alors Bernard, que conseilleriez-vous à ces jeunes et quel est votre point de vue de l’éducation actuelle et ce qu’elle pourrait être ?

BdM : Si je parle de l’éducation ou si je parle d’éducation, ou pour que je parle d’éducation, il faut que je situe l’éducation dans un cadre d’évolution nouvelle. Je ne peux pas, dans le cas de mon expérience, parler de l’éducation en fonction de l’involution, et d’ailleurs, ceci va pour tout ce je dis depuis des années.

Tout ce que je dis s’applique à l’Homme de l’évolution, c’est-à-dire qui s’applique à l’Homme qui, demain, aura finalement briser le contrat psychologique que lui a forcé d’adapter la civilisation de l’involution, pour commencer à établir de nouvelles règles du jeu, en ce qui concerne l’évolution de sa conscience personnelle, et aussi en ce qui concerne l’évolution de ce même individu, de cet Homme qui, finalement, commence à intégrer sa conscience en relation avec une civilisation externe.

Donc pour moi le phénomène de l’éducation est un phénomène extrêmement délicat, non pas parce que c’est un phénomène qui ne se comprend pas bien dans la totale mesure de sa définition créative, mais parce que les Hommes d’aujourd’hui vivent l’éducation sous la cape extrêmement voilée de ce que j’appelle l’idéologisation. Les parents sont idéologisés, les enfants sont idéologisés.

Et l’éducation est devenue à la fin du vingtième siècle, surtout depuis une cinquantaine d’années, mais beaucoup plus maintenant que nous sommes arrivés à un âge où nous devons vivre côte à côte avec la haute technologie, l’éducation est devenue pour l’Homme non plus le fer de lance de sa créativité, mais plutôt l’encerclement subtil des forces nocturnes d’une civilisation décadente, qui sont arrivées à un point aujourd’hui, à cause de la faiblesse de l’Homme en tant qu’individu, et à cause de la puissance des forces dénominatrices de notre civilisation, à contenir toutes les cartes du jeu de la vie de l’Homme.

Autrement dit le problème de l’éducation, aujourd’hui, chez l’être humain surtout dans nos civilisations avancées, n’est plus un problème simplement philosophique, il n’est plus simplement un problème d’ordre social, il est devenu un problème de conscience personnelle. Donc si on me demande : “Où devons-nous nous situer, comment pouvons-nous nous situer vis-à-vis de l’éducation ou de ce que nous appelons la phénomène de l’éducation”, je dis que pour l’Homme nouveau, l’Homme conscientisé, l’Homme intégré dans sa conscience, l’éducation commence à partir du moment où l’Homme deviendra conscient de lui-même.

Si l’Homme n’est pas conscient de lui-même, s’il n’est pas amené à une conscience soit par l’éducation parentale, soit par une éducation ultérieure, l’Homme ne pourra jamais réellement saisir le sens profond de ce qui est éducatif, de ce qui est nécessaire dans l’éducation.

Et l’Homme sera obligé, naturellement, de continuer à vivre en étroite relation avec une systématique sociale qui le vampirise instantanément, constamment, et de façon permanente, et qui au fur et à mesure que le système se complexifie, force l’individu à se perdre dans cette territorialité extrêmement compliquée que nous offre une technologie, où les jeunes d’aujourd’hui essayent de se situer d’une façon maximale vis-à-vis un rendement social qui est devenu hautement mécanisé et totalement contrôlé par les forces idéologiques du pouvoir.

Donc pour que l’Homme, l’individu, comprenne ce qui est nécessaire dans son éducation, pour qu’il saisisse sa voie, pour qu’il saisisse la direction dont il doit le mieux entreprendre et le mieux maximaliser, il faut absolument que l’être humain du vingt-et-unième siècle retourne à la source de lui-même, c’est-à-dire qu’il prenne conscience de lui-même d’une façon totale. Maintenant, vous me direz, revenir à la source, lorsque je parle de revenir à la source, je ne parle pas de revenir à la source socratique, je ne parle pas de revenir à la source “ésotérico-spirituelle” orientale.

La source dans l’Homme ne l’invite pas à traiter avec sa vie, de la façon ou de la manière que l’ont fait les anciens de l’humanité. La source, lorsque nous parlons de la source pour l’Homme, nous parlons de cette nouvelle définition de l’être humain vis-à-vis sa potentialité créative, c’est-à-dire vis-à-vis la totalité de son expression de conscience qui, aujourd’hui, à la fin de notre époque, demeure de plus en plus une situation psychologique étroitement reliée aux forces désintégrantes de notre civilisation, c’est-à-dire l’idéologie.

Autrement dit l’être humain du vingt-et-unième siècle, l’Homme nouveau, sera obligé quelque part de réaliser qu’il y a en lui un centre d’intelligence. Un centre d’intelligence qui étant absolu en lui-même, et lorsque je dis absolu en lui-même, je veux dire libre de la relativité psycho-sociale. Ce qui rend une forme d’intelligence absolue en elle-même, ce n’est pas la qualité infinitive de cet absolu mais c’est la nature de cette intelligence qui demeure toujours inaffectée ou inaffectable ou ininfluençable d’une façon subjective par les forces de l’idéologie.

Maintenant vous me direz, mais oui mais les enfants, nos enfants vont à l’école, ils doivent aller à l’école, ils doivent apprendre, ainsi de suite… nous savons ce que nos enfants ont besoin, nous savons que nos enfants doivent aller à l’école mais nous avons perdu de vue l’emploi essentiellement créatif de l’éducation. Autrement dit nous avons perdu de vue ce que la civilisation de l’involution nous a donné qui soit nécessaire, et nous nous sommes petit à petit engagés dans une voie où l’éducation devient de moins en moins définitive, de plus en plus colorée par les différents courants idéologiques.

De sorte qu’aujourd’hui les enfants à dix-sept, dix-huit ans, à l’âge où ils sont prêts à entrer au Cégep, ils se voient forcés de se présenter devant une panoplie de possibilités “existenço-sociales”, une panoplie de possibilités vis-à-vis le travail, vis-à-vis l’exercice de leurs fonctions intégralement intelligentes, et ces enfants sont absolument éberlués parce que justement ils ne peuvent plus avec facilité entrer dans une voie, une voie de vie, une voie d’expression, qui puisse carrément être le produit ou la résultante de la connexion entre leur intelligence et leurs besoins internes.

Les enfants aujourd’hui sont mis face à face avec les destinées d’une civilisation décadente, donc ils sont mis face à face avec les besoins d’une civilisation mécanisée, et eux étant des êtres sensibles, étant des êtres qui n’ont pas encore perdu la totale conscience de leur sensibilité, se voient déchirés entre les besoins “mécanico-sociaux” de notre civilisation. Et nous nous demandons pourquoi ils ne sont pas capables de se créer une place dans la vie avec facilité, pourquoi ils sont obligés d’errer pendant des années sur le temps, sans expression d’une civilisation qui n’est pas capable de répondre à leurs besoins.

Mais la question est faussement posée par nous, parce que l’Homme un jour, l’Homme nouveau, conscient, intégral, individualisé, l’Homme qui n’est plus influençable, l’Homme qui est dans son intelligence, sera obligé de découvrir en lui-même ce dont il a besoin pour exprimer sa vie, au lieu de découvrir dans la société ce qu’elle peut lui offrir, afin que lui puisse s’associer avec elle. Je fais une parenthèse. Il y a quelques jours on me disait : “J’essaie de penser à ce que je devrais faire, je passe des mois à penser à ce que je devrais faire”.

Et j’ai dit à la personne qui me demandait cette question : “La question est totalement à l’envers, il faut changer le télescope de bord, au lieu de penser à ce que vous devriez faire, vous devriez regarder comment vous voulez vivre dans la vie, comment vous voulez vivre dans la vie. Tous les Hommes ont une expression de comment ils veulent vivre dans la vie, et à partir du moment où vous aurez découvert comment vous voulez vivre dans la vie, même si ce point d’union entre vos possibilités et votre décision s’étale sur une base de cinq ans ou dix ans, c’est sans importance. Mais au moins graduellement vous vous habituerez, vous commencerez lentement à intégrer vos forces, à développer vos outils pour en arriver un jour à vivre, dans cinq ans ou dans dix ans, comme vous voulez vivre dans la vie”.

Sinon vous allez passer votre vie à penser à ce que vous voulez faire et chaque fois que la société vous présentera une nouvelle façon d’agir, vous remettrez en question ce que vous voulez faire, et vous passerez votre vie à être des gens insatisfaits, c’est-à-dire des gens qui croient et qui ont l’illusion profonde de pouvoir être heureux dans leur expression créative en relation avec ce que la société peut leur donner.

J’assure l’Homme que la société, ce que nous appelons la société, non pas la définition sociologique de la société, ni même la définition psychologique de la société, même philosophique de la société, la société est une forme grotesque, solide, intacte, de vampirisme. La société est une énergie extrêmement puissante dont la totale combinaison de ses manifestations dans le monde, à partir des forces idéologiques qui construisent sans arrêt la façon de penser de l’Homme, cette société – et elle a toujours été ainsi – est la formulation intégrale et permanente, et involutive, de ce que l’Homme par lui-même ne peut pas s’occuper à faire.

Donc la société prend le rôle d’action dans la vie de l’Homme qui n’est pas intégral dans son individualité, et comme elle prend le rôle de l’Homme, elle agit en conseillère de l’Homme, et l’Homme lui, étant conseillé par elle, se voit pendant des siècles obligé de suivre les mouvements subtils de sa propre définition.

Et c’est pourquoi aujourd’hui à la fin du vingtième siècle, alors que nous passons de l’involution à l’évolution, alors que nous sommes dans un temps où l’individu commence à remettre en question beaucoup de choses mais qu’il n’est pas capable par lui-même de définir, parce qu’il est encore trop idéologisé, nous nous apercevons, et ceci va s’empirer, nous nous apercevons que les individus les plus sensibles, dans une civilisation telle que la nôtre, sont ceux qui souffrent le plus.

Et pourtant ce sont ceux qui, dans le fond, représentent la crème de la crème d’une involution d’une société capable de finalement pouvoir s’interroger. Donc le phénomène de l’éducation, pour l’Homme en tant qu’individu, c’est un phénomène qui doit être “revisionné”, regarder à la loupe, mais il ne peut être regardé qu’à la loupe de l’individu et non pas à la loupe de la conscience sociale.

Autrement dit, ce que nous informe la sociologie, ce que nous informe la psychologie, ce que nous informent les maîtres de la mécanisation de l’Homme, ceci un jour devra être regardé par l’individu, et ceci demandera de la part de l’Homme, de l’individu, une très grande force intérieure ; parce que l’Homme de demain individualisé dans une conscience supramentale ou dans une supraconscience, dans une conscience réelle ne pourra pas fonder, ne pourra pas fonder, sa conscience aucunement sur les apports psychologiques, émotifs, et même économiques que puisse lui offrir une civilisation mécanique.

Nous sommes arrivés à un point dans l’évolution de l’Homme, où l’Homme est suffisamment avancé aujourd’hui pour traiter de la forme de la connaissance, en fonction de sa capacité intégrale de s’interroger lui-même sur la valeur de la signification des anciennes connaissances, afin de pouvoir aujourd’hui commencer à bénéficier de ce qu’il sait ; mais de ce qu’il sait avec très grande crainte d’en trop savoir.

Le problème de l’Homme c’est qu’il sait beaucoup de choses, il sent beaucoup de choses, mais il a de la difficulté à amener à la surface de sa conscience ce qu’il sait, et pour ceci, et à cause de ceci, il est obligé de constamment s’allier avec des définitions de la réalité psychologique de sa conscience humaine en relation avec ce que les idéologies lui offrent.

Donc l’Homme d’aujourd’hui, sur le plan de l’éducation, est un être de plus en plus en aberration, et il va de plus en plus dans le monde, dans une forme, qui est de plus en plus aberrante. Et même si, comme on m’a déjà dit : “J’ai du succès dans ma vie”, et je demande à la personne qui me dit : “J’ai du succès dans ma vie”, je dis : “Est-ce que ta vie est un succès”… ? Il y a plein de monde dans le monde qui ont du succès dans la vie, autrement dit ils ont un contrat d’établi, de bien signé avec l’ordre des choses.

Mais si nous regardons profondément leur vie personnelle, si nous regardons leur vie familiale, si nous regardons leur état de santé physique, leur état cardiaque, leur état psychologique, si nous regardons l’Homme en lui-même sans la couverture psychologique et très éphémère du succès, que la société, que la corporation, peut vous retirer sous les pieds, n’importe quand, on s’aperçoit que l’Homme est extrêmement et douloureusement envieux d’une paix dont il ne connaît pas l’essence et dont il ne connaît pas la réalité.

Mais avec laquelle, sorte de paix, qu’il semble ou qu’il veut bien admettre, il doit payer le prix, et c’est le prix de sa santé, de son inconscience, ainsi de suite, ainsi de suite. Donc dans le domaine, si nous parlons d’éducation, nous devons parler d’éducation d’une façon créative et nous sommes obligés de regarder l’Homme, l’individu, regarder ses besoins.

Et nous sommes obligés d’aider les enfants, d’aider les enfants de demain à regarder leur vie en fonction de ce que demain, ils voudront vivre, et non pas en fonction simplement de ce que la société aujourd’hui nous offre d’une façon mécanique, d’une façon apparemment facile, mais avec le prix de l’esclavage psychologique jusqu’à la fin de notre vie sociale.

FP: Alors Bernard, comment approcher l’éducation sans avoir à la subir en fonction d’un conditionnement social mercantile qui devient de plus en plus puissant, de plus en plus congestionné, de plus en plus complexifié ?

BdM : Bon. Il est évident qu’il y a plusieurs façons d’approcher l’éducation, parce que si nous parlons de l’éducation vis-à-vis nos enfants, nos enfants peuvent avoir cinq ans, ils peuvent avoir quatre ans, ils peuvent avoir dix ans, ils peuvent avoir douze, treize, quatorze, quinze, seize ans, bon ! Il est évident que rendu à seize ans, dix-sept ans, ce n’est plus aux parents d’éduquer ou de mener l’enquête de l’éducation pour leurs enfants, il est trop tard.

Donc à partir de ce moment-là, il y a un espace intégralement personnel pour que ces individus, ces jeunes, puissent en arriver un jour a redéfinir ce qu’ils veulent faire dans la vie. Mais prenons l’éducation des enfants ; il y a des choses dans notre société qui sont essentielles, il y a des choses dont nous avons besoin afin de parcourir le chemin social. Il y a des mathématiques, il y a la langue, le langage, ce sont les deux choses importantes dans l’éducation…

Les mathématiques pour payer notre billet au restaurant, et le langage pour nous adresser à la voisine, tout le reste fait partie, à un degré ou à un autre, d’un superflu plus ou moins nécessaire. Je ne dis pas que le reste n’est pas nécessaire, je dis qu’il y a deux éléments dans l’éducation qui sont essentiels, c’est la langue et les mathématiques, parce que ces deux aspects de l’éducation font partie intégrale de deux aspects psychiques de l’Homme, l’un conversant avec la parole et l’autre conversant avec la dictature des formes.

C’est-à-dire la quantification de la forme, c’est-à-dire la monétisation des relations unitaires de la forme, c’est-à-dire les mathématiques. Mais au delà de ceci, il existe l’histoire, la religion, la morale, toutes ces choses qui ne peuvent pas être imposées à l’enfant mais qui peuvent être amenées à l’enfant si les matières sont bien présentées, s’il a le tempérament pour ces choses, ainsi de suite.

J’ai déjà dit, par exemple, dans un séminaire que j’ai fait sur l’éducation, parce qu’on m’a demandé d’en faire un, je ne voulais pas faire de séminaire sur l’éducation parce que pour moi l’éducation c’est extrêmement vaste, mais j’ai déjà dit une chose : les parents ne peuvent pas se permettre d’envoyer seulement ou simplement leurs enfants à l’école. Vous ne pouvez pas prendre la chance d’envoyer vos enfants simplement à l’école pour que ces enfants pendant des années, et des années, et des années, découvrent certaines choses appartenant simplement au mental.

Il y a une forme d’éducation mentale, je suis d’accord, mais l’Homme doit évoluer sur le plan de l’éducation en fonction de deux traques, en fonction de deux voies, une qui est pratique et une qui mentale. Peut-être que vous avez un enfant qui aime les mathématiques, qui aime les choses abstraites, vous le découvrez au cours de sa vie collégiale. Vient un temps dans sa vie, dix-sept, dix-huit ans, il est prêt pour aller plus loin, pour se spécialiser, il va facilement à l’université. Ce ne sont pas ces enfants-là qui ont le problème.

Ceux qui ont le problème, ce sont les enfants qui n’ont pas cette faculté, cette sensibilité à l’abstraction, qui n’ont pas cette faculté de travailler d’une façon abstraite avec des concepts qui ne font pas partie du pratique, mais qui feront, demain, partie du pratique, lorsqu’ils auront finalement traité d’une façon concrète avec ces abstractions. Mais il y a beaucoup d’enfants dans la vie, et c’est la majorité, qui ont un sens du pratique.

Peut-être que vous avez des enfants qui aiment la mécanique, peut-être que vous avez des filles qui aiment, je ne sais pas moi, le linge, qui aiment traiter avec le dessin, qui aiment traiter avec certaines façons d’expression qui relèvent d’une netteté caractérielle qui fait partie de leur diapason.

Et si vous empêchez ce petit enfant qui aime la mécanique, qui est fou de la mécanique, de s’instruire de la mécanique, enfant qui n’est pas nécessairement abstrait dans la conception mentale de son moi, et que vous le forcez à aller à l’école pour apprendre de la morale, pour apprendre de l’histoire, pour apprendre “Joséphine”, pour apprendre Louis XIV, pour apprendre je ne sais pas quoi, ce petit enfant rendu à treize, quatorze ans, vivra une rébellion.

Il vivra un écœurement avant ce temps-là, et cet écœurement sera nécessaire parce qu’il représentera la correction que vous devez, vous, en tant que parent, faire à cette énergie en lui qui fait partie de sa mémoire, qui fait partie de son âme, qui fait partie de son Esprit, énergie qui ne peut pas être rebutée, énergie qui ne peut pas être éteinte, énergie qui fait essentiellement partie de lui. Les parents viennent sur notre planète, sur le plan matériel, les enfants choisissent les parents, ils viennent dans une famille, il y a tout dans une famille pour un enfant, pour croître, mais un enfant croît toujours en relation avec l’intelligence des parents.

Mais si nos parents n’ont pas l’intelligence, si nos parents n’ont pas la certitude, si nos parents sont trop affectés par l’idéologie, il est évident que nos enfants seront affectés par l’idéologie et souffriront de l’éducation. Mais si les parents ont suffisamment de concentration mentale, d’intelligence, d’intuition, s’ils sont capables en eux de voir à travers la panoplie mécanique de l’éducation, et de voir que le petit a un intérêt pour faire telle chose, à ce moment-là ils peuvent lui donner les outils.

Et l’enfant, pendant qu’il accumule les valeurs abstraites de l’éducation, pendant qu’il colore avec d’autres choses comme l’histoire ou la religion, ces mêmes valeurs éducatives, en même temps il apprend lentement un métier ; pour que rendu à seize, dix-sept ans, quinze ans, quatorze ans, l’enfant décidant un jour qu’il n’a pas les bosses des maths ou qu’il n’a pas la bosse de la langue, puisse finalement commencer à aller dans une direction qui, déjà, depuis des années, il a contemplé, avec laquelle il a travaillé parce que les parents ont été suffisamment intelligents pour lui faire sentir ce qu’il aimait faire.

Je ne peux pas, pour toutes sortes de raisons techniques, je ne peux pas dire : “Allez voir votre conseiller, demandez-lui quelles sont les tendances naturelles de vos enfants.” Vous devriez, les parents devraient facilement voir quels sont les talents naturels des enfants. Les enfants parlent, les enfants s’expriment, les enfants ont besoin donc les enfants demandent, donc il y a tout dans la vie de l’éducation des parents en relation avec les enfants pour que les parents puissent voir que : “Ah ! La petite elle aime ça. Ah ! Le petit il aime ça”.

Et là, les parents peuvent commencer à créer cette nouvelle “track” (piste), une “track” qu’ils développent à la maison, qu’ils développent à l’extérieur de l’éducation purement primaire ou secondaire. Le problème de l’éducation aujourd’hui, c’est que les enfants vont à l’école et ils n’ont pas tous la même faculté intellectuelle. Il y a des enfants qui vont aller à l’Université, ils vont aller chercher des maîtrises, des doctorats, ça va de soi, les parents n’auront jamais à les pousser, ils se poussent par eux-mêmes parce que ça fait partie de leur Esprit.

Mais il y a d’autres enfants qui n’ont pas ces facultés, ils ont d’autres facultés, et pour toutes sortes de raisons, très souvent, les parents qui, eux, n’ont pas bénéficié d’une autre éducation ou d’une éducation formelle, veulent que leurs enfants bénéficient d’une éducation formelle, c’est une erreur, c’est une erreur. Moi j’ai une fille… moi j’ai bénéficié d’une éducation formelle, je suis sortie de l’éducation formelle, mais elle m’a servi cette éducation sur le plan du langage.

Mais ma fille, moi, même si elle est intelligente cette petite, elle n’a pas la bosse des mathématiques, elle n’a pas la bosse de la physique, elle n’a pas la bosse de la chimie, ce n’est pas son monde. Donc c’est à moi, en tant que parent, et c’est à ma femme, en tant que parent, de voir où elle est sa bosse. Donc pendant des années nous avons regardé et à cause de notre sensibilité, ce fut plus facile, j’admets, de voir dans quelle direction, qu’est-ce qu’elle aime.

Un enfant à trois ans qui se parle devant le miroir, qui se fait les cheveux, qui aime traiter avec les bijoux, qui aime traiter avec les dentelles, qui aime traiter avec ci, qui aime traiter avec ça, et qui maintient ce rythme pendant des années, il y a quelque chose, il y a une sensibilité. Nous devons lui demander si elle aimerait faire ceci pendant qu’elle va à l’école, donc nous devons lui suggérer des plans d’exécution de son éducation, éducation qui convient à sa personnalité.

Donc nous lui offrons : “Est-ce que tu aimerais prendre des cours de joaillerie”… À douze ans. Donc nous l’amenons vers une personne qui puisse lui donner ses cours, elle commence à travailler, elle est folle de ceci, elle aime, elle aime, elle aime parce que c’est sa vibration, c’est sa sensibilité, et pendant qu’elle va sur cette “track”, autrement dit qu’elle commence à douze ans son métier, elle continue à parfaire son éducation mentale. Elle fait les langues, elle fait les maths.

Et si pour parfaire sa personnalité, parfaire son mental, parfaire sa communication, sa communion avec le monde, elle doit apprendre l’histoire, voyager, faire ci ou ceci, nous lui présentons, mais elle ne peut pas vivre, cette enfant qui est sensible, dans un cadre d’expression, d’éducation, qui est totalement basé sur l’indomptable attitude qu’ont les systèmes éducatifs dans le monde de terroriser !

Une fois que les parents commenceront à comprendre, commenceront lentement à se dévêtir de ces attitudes qui font d’eux des esclaves, les enfants pourront commencer à bénéficier de leur sensibilité, et il pourra y avoir un plus grand raccordement entre les enfants et les parents. Et les parents pourront comprendre la grande tristesse, la grande souffrance, de ces enfants à dix-sept, à dix-huit ans, aux portes de l’Université.

FP : Faites-vous une différence entre apprendre et accumuler des connaissances ?

BdM : Oui, il y a une différence entre apprendre et accumuler des connaissances. Accumuler des connaissances ça doit être le plaisir de l’Esprit. On accumule des connaissances pour le plaisir de l’Esprit, l’Esprit étant une force dans l’Homme, il doit se nourrir. Donc les connaissances font partie, selon la nature de l’Esprit, de ce plaisir de l’Esprit. On accumule des connaissances pour le plaisir de l’Esprit, mais on apprend pour son propre bénéfice personnel. On apprend !

Moi quand j’étais jeune, pour le plaisir de mon Esprit, j’ai étudié les langues égyptiennes, j’ai étudié le chinois, c’était pour le plaisir de mon Esprit, ce n’était pas pour mon bien-être personnel, ce n’était pas pour me mettre quelque chose dans la bouche demain, ce n’était pas pour me permettre demain de vivre. Donc il y a des choses selon notre sensibilité, selon notre nature, que nous faisons pour le plaisir de notre Esprit, mais il y a des choses que nous devons faire pour nous-mêmes.

Donc il y a deux façons de voir les choses dans la vie en ce qui concerne l’éducation ; dans l’éducation il y a des choses que nous faisons pour le plaisir de notre Esprit et il y a des choses que nous faisons pour notre propre bien-être personnel. Et nous devons chercher à créer une synthèse ou à “superimposer” ces choses-là, et en général nous le faisons, sinon nous ne ferions pas ces choses. Le problème avec l’éducation, c’est que les enfants, n’étant pas arrivés à l’âge où nous sommes, ne réalisent pas que dans quelques années ils vont tout oublier ce qu’ils ont appris.

Ils vont oublier parce que l’Homme conserve seulement ce qui lui est utile. Donc l’enfant ne sait pas ceci, il ne réalise pas ceci, et s’il oublie ou s’il commence à oublier ce qu’il a appris, s’il commence à sentir cette perte de mémoire, il s’afflige, et cette affliction devient pour lui douloureuse, parce qu’il ne sait pas, il ne réalise pas que c’est normal. Moi j’ai tout oublié, je m’oublie instantanément “anyway”, c’est normal, j’ai tout oublié ce que j’ai appris !

Mais il reste de ce que nous avons appris une impression dans le corps astral, il reste une impression et cette impression fait partie de la définition de notre personnalité au cours des années, et souvent ça revient malgré nous-mêmes, la mémoire. Mais les parents doivent amener les enfants à pouvoir apprendre des choses et à devoir apprendre des choses qui sont essentielles, et à cesser de mettre dans la tête des enfants leurs propres craintes, leurs propres craintes, parce qu’elles sont communicatives ces craintes.

“Il faut que tu fasses tes devoirs là, il faut que tu fasses ça là, si tu ne fais pas tes devoirs tu vas crever de faim”…bababa… Foutez-leur la paix aux enfants ! Mais amenez-les dans de bonnes écoles, faites-les rencontrer des professeurs qui ont du bon sens, des profs qui sont consciencieux, travaillez avec eux. Faites-leur comprendre que les profs ont leurs propres limitations, le système éducatif a ses propres limitations, faites-leur réaliser que, pour eux, l’éducation ou s’éduquer, ça équivaut à pour vous, travailler, que c’est essentiel pour définir éventuellement leur vie ; mais cessez de leur créer la crainte, la frousse de ne pas avoir demain de succès.

Nous devons redéfinir notre psychologie vis-à-vis l’éducation, nous devons la revoir d’une façon totalement intégrale et créative. Nous ne pouvons pas éduquer nos enfants ou aider à l’éducation de nos enfants si nous-mêmes nous ne savons pas, nous ne sommes pas capables de prendre sur nos épaules nos responsabilités créatives vis-à-vis leur éducation. Un enfant de quelqu’un, à qui je parlais dernièrement, me disait : “Je n’aime pas la religion à l’école”. Il n’aime pas la religion à l’école, donc pour lui, ça ne va pas la religion à l’école, et la bonne femme de dire : “Ben oui, mais il faut que tu apprennes la religion, la Bible”.

Ben oui, mais il n’aime pas, vous croyez que vous allez faire de ce bonhomme un meilleur chrétien ? Vous allez faire de lui un type qui en a ras la gueule de l’éducation, de la religion, et puis par contre, il y a des enfants qui aiment ça. Il faut respecter ce que les enfants aiment et les écoles aujourd’hui offrent de la moralité, ou ils offrent de la religion, vous avez le choix. Donc à ce moment-là, offrez à votre enfant de la moralité, c’est beaucoup plus scolastique, c’est moins élastique.

Donc cet enfant souffre de la tension spirituelle que cette personne, cette mère, vit vis-à-vis la religion. L’autre cas c’est le bonhomme : “Il faut que tu ailles au hockey là, il faut que tu sois bon au hockey là”. Il existe aujourd’hui dans la province de Québec une forme de pensée subtile qui fait partie de l’idéologisation sportive.

Il y a de ces bons pères de famille avec des grosses mains là, qui travaillent dans la compagnie là, qui veulent que leurs fils soient à tout prix des joueurs de hockey, des “Maurice Richard” ou d’autres, je ne les connais pas parce que je ne suis pas tellement ce sport. La folie, on est dans la folie du hockey, on est dans la manie du hockey, c’est devenu une manie. Et si le petit ne donne pas, il n’a pas de sueurs au hockey, s’il ne rentre pas les gars dans la bande, c’est le type qui est bandé, le père !

FP : On transmet bien souvent nos propres névroses…

BdM : C’est ça ! Et c’est ça le problème. C’était quoi votre question ?

FP : On passe à autre chose, dans les années 60, il y a eu cette génération qui distribuait des fleurs à tout le monde et qui prétendait tous vivre dans un monde de beauté, de tolérance, d’imagination et de liberté…

BdM : Vous parlez de ceux qui fumaient du “pot”, quand on fume du “pot” c’est évident qu’on vit dans un monde de beauté, c’est normal, jusqu’à tant qu’il n’y ait plus de “pot” (rires du public).

FP : On se souvient de leurs slogans : L’imagination au pouvoir, il est interdit d’interdire etc.

BdM : C’était la recherche de ces jeunes pour une autre alliance avec la vie, c’était une recherche spirituelle, c’était une recherche de drogue, c’était une recherche illusoire, mais c’était une recherche, et cette recherche existe encore aujourd’hui. L’Homme, à la fin du vingtième siècle, ne réalise pas que nous sommes dans un nouveau tournant sur notre planète, que nous entrons dans une nouvelle définition de la réalité de l’Homme et que, l’Homme demain, définira sa propre réalité. L’Homme demain, l’Homme intelligent, demain au vingt-et-unième siècle, ne se fera plus définir la réalité par les idéologies maîtresses.

L’Homme définira lui-même sa réalité, donc ces jeunes font déjà partie de ce courant, mais la connexion entre l’involution et l’évolution commence à se faire. Donc les jeunes, aujourd’hui, sont pris dans une période de transition qui va durer une génération ; et ce sont ces jeunes qui souffrent, et ce sont ces jeunes qui ont besoin de savoir et ils n’ont pas le support en général de la masse parentale pour leur faire comprendre, parce que même les parents sont dans la même ambiguïté de vie qu’eux.

Mais les parents sont établis, les parents ont le travail, ils ont le boulot, tandis que les jeunes, eux, sont en voie de se trouver, de se découvrir, ils sont déchirés par l’incapacité sociale de leur donner ce qu’ils ont besoin, et ils ont l’illusion que c’est la société qui va leur donner ce qu’ils ont besoin, comme nous, nous avons souffert de l’illusion que la société devait nous donner ce que nous avions besoin.

C’est l’Homme… Nous entrons dans une nouvelle période de l’évolution, nous sommes en train de passer de la cinquième race-racine à la sixième race-racine. Donc nous sommes en train de passer à un stage de mentation totalement supérieur, totalement différent, de ce que nous avons connu. Autant par le passé, l’Homme a été obligé de subir la définition de la réalité en relation avec l’autorité des idéologies, autant demain l’Homme définira sa propre réalité parce que l’Homme sera en contact avec lui-même. Donc l’Homme aura la capacité de savoir par lui-même ce qu’il doit savoir.

Mais aujourd’hui, nos enfants qui sont dans l’école, qui vont à l’école, et qui tournent dans le cercle vicieux de l’éducation doivent savoir, doivent comprendre, il doit leur être donné des points de vue qui ne sont plus contestataires, des points de vue qui sont créatifs. Mais quels sont les Hommes dans la société qui sont capables de supporter leur créativité ? Quels sont les individus dans la société qui sont capables de supporter leur intelligence d’une façon intégrale ? Quels sont les Hommes qui sont capables de supporter ce qu’ils savent ?

Quels sont les Hommes qui sont capables de prendre ce qu’ils savent et de le transmuter en expression créative qui fait partie de ce qu’ils veulent vivre, au lieu de vivre ce qui leur est imposé par la situation sociale et par l’idéologisation de l’Homme qui a mené à l’aliénation de l’Homme, et qui fait de l’Homme aujourd’hui un être totalement mécanisé, un être qui se recherche, un être qui recherche des maîtres, un être qui recherche des écoles, un être qui est totalement loin de lui-même ?!

C’est ça le problème de l’Homme. Et aussitôt que s’élève dans le monde une voix qui crie, qui gueule, qui s’engueule, les Hommes sont terrorisés, les Hommes s’inquiètent, les Hommes se demandent si cette voie n’est pas folle, et la voix de l’Homme n’est jamais folle, elle est toujours intelligente. Mais sa réflexion, ses échos sur les montagnes de la mort représentent pour l’Homme qui écoute, dans son inconscience, la folie. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise !

FP : Chaque génération donc, y va de sa révolte en fait, parce que ça a été une révolte…

BdM : Oui mais faites attention, faites attention, ne faites pas l’erreur de mettre l’Homme nouveau dans le même bassin de l’involution. Que l’on dise : chaque génération a flirté avec la folie, chaque génération s’est heurtée contre les droits de l’autorité ancestrale, que les enfants Égyptiens ont souffert de ce que leur parents ont fait, que les parents ont souffert de la nouvelle génération, que les enfants de la période Grecque ont souffert de ce que les parents ont fait et vice versa, ceci fait partie des cycles de l’involution, parce que l’Homme, pendant l’involution, n’était pas dans son intelligence.

L’Homme se cherchait, mais à partir du moment où l’Homme va passer de l’involution à son évolution, il ne se cherchera plus, donc les cycles de renversement, les cycles de “self cautioning” (auto-avertissement) n’existeront plus, parce que l’Homme aura finalement intégré son énergie. Et à partir de ce moment-là, les générations d’Hommes, les générations de consciences, seront permanentes sur cette planète, et ce qui continuera en parallèle avec cette évolution fera partie de l’infructueuse habilité de l’Homme de questionner son inhabilité de savoir. Et ceci fait partie de la conscience intégrale de l’involution.

L’Homme de demain ne se questionnera pas, il y aura une permanence, il y aura une consistance, il y aura une perpétuité dans sa conscience, et ceci passera des pères aux fils et des fils aux petits-fils ; parce que l’Homme de demain ne sera pas un être qui pensera avec les pensées d’une masse collective. Ce sera un être qui pensera avec ses propres pensées, et lorsque les Hommes pensent avec leurs propres pensées, c’est qu’ils créent leurs propres pensées.

Et quand les Hommes créent leurs propres pensées, ils sont créateurs, et à ce moment-là ils font partie de la perpétuité de la conscience. Donc faites attention quand vous me demandez cette question parce que c’est un jeu, c’est un jeu de la mémoire.

FP : Mais ce que je déplore moi ce n’est pas la révolte, ce n’est pas le ras-le-bol de chacune de ces générations meurtries ; en fait, c’est que ces mouvements-là sont toujours récupérés soit par la drogue, soit par la violence, soit par les sectes religieuses etc. Y a-t-il une intelligence qui puisse passer au travers de cette récupération ?

BdM : Ces mouvements sont récupérés parce qu’ils ne sont pas réels, ils font partie des alliances subtiles de l’ego avec les tendances naturelles de l’énergie interne de l’Homme, de l’âme. L’Homme veut être libre, il cherche tout pour être libre et lorsqu’il s’aperçoit que sa liberté est fausse, il est récupéré par quelque chose d’autre. C’est normal, mais ce qui passera à travers ceci c’est l’intelligence. Lorsque l’Homme sera dans son intelligence, il le saura. Un Homme qui est dans son intelligence n’est pas dans l’impression d’être intelligent.

Lorsqu’un Homme est dans son intelligence, il fait la connexion entre lui en tant qu’ego avec son Esprit, il n’est par coloré dans sa perception par les forces de la mémoire, par les forces de l’âme, par les forces psycho-sociales, il est dans son énergie, il est créatif, il vit une conscience universelle. Lorsque l’Homme sera dans cette conscience il ne sera plus récupérable, il n’aura plus besoin d’être récupéré. Récupéré par quoi ? Qu’est-ce qui peut récupérer un Homme comme moi ? Je ne suis pas récupérable !

Si un saint vient vers moi, je vais lui parler des illusions de sa sainteté ; si un gourou vient vers moi, je vais lui parler des illusions de son spirituel mystique ; si un philosophe vient vers moi, je vais lui parler des illusions cartésiennes de son savoir manqué. Donc que l’on fasse n’importe quoi, quand un Homme est dans son énergie, il n’est plus récupérable, mais il a le respect pour ce qui se passe dans le monde. Donc naturellement, j’aurai le plaisir de parler au philosophe, j’aurai le plaisir de parler au saint et j’aurai le plaisir de parler au gourou.

Mais ceci ne veut pas dire que je vais vivre ma vie en fonction de ces êtres, que je vais vivre ma vie en relation avec ces êtres. Parce que l’Homme conscient n’a plus besoin de supporter ce qu’il EST, parce que ce qu’il EST se supporte par lui-même. Donc ce qu’il sait n’est que l’expression de ceci, donc il n’a plus besoin psychologiquement de sentir ou d’avoir l’impression d’être à l’aise, il l’est toujours, il ne se cherche plus.

FP : Bon ! Mais cette centricité qui vous est propre, est-ce qu’elle ne s’appuie pas elle-même sur une révolte ?

BdM : Oui ! Oui cette centricité elle fait partie de la révolte de l’Homme. D’ailleurs je vous assure que l’Homme de l’évolution qui passera de l’inconscience à la conscience, de l’involution à l’évolution, ne vivra pas cette intégration, cette centricité sans la révolte. La révolte qu’est-ce que c’est dans le fond ? La révolte c’est le panache de l’énergie de l’Homme. Tant que l’Homme ne peut pas se révolter, je parle de révolte d’une façon mentale, tant que l’Homme n’est pas capable de se révolter, il n’est pas capable de voir ce qu’il sait, il n’est pas capable de contester ce qu’il a appris, il n’est pas capable de contester sa mémoire.

Et si l’Homme n’est pas capable de contester sa mémoire, il est obligé naturellement de vivre côte à côte avec elle, de coucher avec elle. La mémoire c’est une putain, donc si l’Homme veut coucher avec une pute, ça fait partie de son inconscience, donc s’il doit avoir le sida, qui est l’inconscience, c’est son problème. L’Homme de demain ne pourra plus traiter avec la mémoire d’une façon idéologique. La mémoire sera simplement quelque chose qui fait partie de son organisation matérielle au niveau psychique, qui lui permettra de raccorder ce qu’il a appris sur le plan de l’expérience.

Mais l’Homme ne vivra pas dans la mémoire idéologisée d’une conscience ancestrale, ce sera impossible. Ce sera impossible, parce que l’Homme sera capable par lui-même de défaire les formes-pensées qui font partie de son mental. Tandis qu’aujourd’hui nous ne sommes pas capables, nous avons été éduqués à penser telle chose, à penser telle chose, et à penser telle chose, et on s’est fait taper sur la tête avec l’autorité pendant des siècles de l’histoire, de penser telle chose, et aujourd’hui nous ne sommes plus capables de penser autre chose.

Nous passons notre temps à penser avec les pensées de ces choses qui ont été pensées pour nous. Donc l’Homme sera obligé de vivre une révolte, il n’a pas le choix, il sera obligé. Et cette révolte sera interne, personne ne pourra la vivre pour lui, personne ne pourra lui faire vivre, ni un gourou ni un saint. Elle fera partie de l’étincelle de son intelligence qui commencera à prendre le feu. Et lorsque l’Homme vivra le feu de son intelligence, il passera tout, tout, il passera tout et il verra tout dans son mental.

Il pourra regarder toutes les formes-pensées et les garder ou les mettre de coté selon sa propre ascendance, et non pas selon son ascendance comme nous avons fait dans le passé. L’Homme a le droit de savoir, l’Homme a le droit absolu de savoir, et l’Homme a le droit de savoir parce que l’Homme fait partie de la réalité intégrale du cosmos. L’Homme est une totalité, il n’est pas simplement une aberration expérimentale des forces cosmiques sur la Terre, il n’est pas simplement le produit douloureux d’une question ou d’une remise en question par les forces idéologiques du pouvoir.

L’Homme est un être intégral, donc ce feu qui fait partie de lui, de son Esprit, de son double, doit descendre jusque dans la matière. Et lorsque ce feu passera dans l’Homme, l’Homme n’aura plus besoin de questionner ou de se questionner sur la vie, il saura, mais il aura à défoncer les murs de l’idéologie qui, dans le passé, avait fait de sa mémoire le rempart nécessaire à la glorification de l’esclavage humain.

Il sera obligé, parce que sinon il ne pourra pas vivre, il ne pourra pas savoir qu’est-ce que c’est être libre. Être libre n’est pas une liberté philosophique, être libre est la capacité chez l’Homme de savoir, est une capacité chez l’Homme de pouvoir créer, c’est ça être libre. Vous voulez savoir qu’est-ce que c’est Dieu, vous devriez être libre ; vous voulez savoir qu’est-ce que c’est l’âme, vous devriez être libre de savoir !

Les mystères n’existent pas et l’Homme se confrontera à ceci un jour. Les mystères n’existent pas, c’est une illusion de l’involution et ça fait partie du pouvoir doctrinaire des idéologies qui ont englobé l’Homme d’une façon totale. C’est une insulte à l’intelligence de l’Homme de parler de mystère, mystère de quoi ? J’accorde que pendant l’involution nous avons été sur la Terre l’expression d’une conscience expérimentale ; j’accorde que pendant l’involution, les corps subtils de l’Homme n’étaient pas parfaitement développés !

Mais j’accorde aussi qu’à la fin du vingtième siècle, à partir de 1969, le corps mental de l’Homme est suffisamment prêt pour vivre une autre vibration ; c’est-à-dire vivre l’accroissement de sa conscience, c’est-à-dire commencer à supporter l’énergie qui, un jour, deviendra pour lui son Savoir, de sorte qu’il pourra regarder les forces de l’infinité, questionner les convolutions de la connaissance et s’approfondir de plus en plus dans les mystères de la vie, c’est-à-dire pouvoir par lui-même définir sa réalité.

Et ça c’est l’Homme de l’évolution. Il n’y a aucune porte, aucune porte, de l’autorité sur notre planète qui pourra empêcher ceci, parce que ceci se fera sur une base individuelle. Ce ne sera pas sur une base collective. Jamais les Hommes n’en arriveront à la conscience supramentale ou à la supraconscience, ou à l’identité avec eux-mêmes sur une base collective. La collectivation de l’intelligence, ça fait partie de la mythologie des Grecs.

FP : Quelle différence faites-vous entre l’enseignement et l’instruction ?

BdM : Ce n’est pas un enseignement que je fais. Instruire veut dire comment ça marche, enseigner veut dire emmerder ! Instruire c’est une science, donc l’Homme peut instruire dans la matière, il peut instruire dans le mental, il peut instruire dans la pensée. Comment voulez-vous instruire l’Homme si vous ne savez pas qu’est-ce que c’est de la pensée ?

Dire que l’Homme pense, “je pense donc je suis”, comme Socrate, c’est faire de la franchisation de la connaissance. “Je pense donc je suis” !! Moi je ne pense pas donc je ne suis pas ! Bande de cons ! (rires du public). “Je pense donc je suis”… la pensée humaine, la pensée subjective, le phénomène de penser que nous connaissons aujourd’hui à la fin du vingtième siècle, phénomène qui fait partie de l’organisation psychologique de notre moi, il sera dépassé ce phénomène, demain.

L’Homme ne pensera plus, il sera en communication télépathique avec les sphères parallèles qui font partie de l’organisation psychique de son mental. Penser… C’est parce que nous pensons aujourd’hui que nous pensons que c’est la finalisation de la pensée ; un peu comme au dix-huitième siècle nous avons pensé, ou pendant le Moyen Âge, que la religion était la finalisation du savoir ! Il a fallu la science pour mettre le feu au cul à toutes les poudres. Et nous pensons aujourd’hui que la science c’est la finalisation du savoir tel que nous le connaissons ! Nous sommes toujours pleins d’aberrations !

En 1954, il y avait un homme respecté dans le monde de la science qui disait : “Jamais les Hommes pourront envoyer un satellite à la lune”. Et aujourd’hui on défait ceci. En 1954, on peut bien dire : “Ben oui, mais si c’était au dix-huitième siècle qu’un homme dise : jamais on enverra quelqu’un à la lune ; mais on peut dire au moins il y a la distance, il y a le temps, nous n’avons pas l’expérience, c’est difficile de projeter si loin”.

Mais en 1954, qu’il y ait des hommes en 1954, des hommes, des scientifiques, qui puissent dire : “Jamais on enverra un homme à la lune”, ça vous montre jusqu’à quel point la science est enrhumée. Et ceci, il y va pour tout en ce qui concerne l’involution, de la religion, de la science, de la philosophie, de la métaphysique, de l’occultisme, de l’ésotérisme, de tout. L’Homme un jour découvrira qu’il est un être intégral. Et lorsqu’il sera intégral, il saura qu’est-ce c’est que ça veut dire être libre.

Être libre ne veut pas dire faire ce que l’on veut, aller contre les ordres qui sont ou qui ont été formulées pendant l’involution, pour le bien-être des masses humaines qui font partie de l’évolution de la Terre. Être libre, ce n’est pas un mouvement réactionnaire. Être libre, ce n’est pas du terrorisme. Être libre, c’est créatif. Être libre veut dire être capable de voir à 360 degrés la réalité interne de l’Homme et de l’appliquer, si nous pouvons, sur le plan matériel. Ce qui sera le mécanisme, l’outil de la prochaine évolution, de la prochaine civilisation. C’est ça être libre !

Quand je vois les gens penser qu’être libre c’est d’assassiner, être libre c’est d’éliminer, ce n’est pas ça être libre ! Vous ne pouvez pas être libre en faisant sur le pied de l’autre. Être libre c’est interne, ça fait partie de l’intelligence, ça fait partie de l’Esprit, ça fait partie du double, ça ne fait pas partie des forces nocturnes de l’Homme.

FP : Pour faire descendre ce Feu cosmique… cette énergie…

BdM : Il faut se rebeller, il faut se rebeller, l’Homme n’a jamais eu le “feu au cul” (très énervé), jamais… Jamais parce qu’aussitôt que l’Homme disait : “Ah ben non”, on disait : “Ah ben oui”. L’un disait : “Ah ben non”, l’autre disait : “Ah ben oui”. Donc : “Ah ben oui”, c’était le père ou c’était la société, ou c’était l’université, ou c’était la religion, ou c’était quelque chose. C’est comme le curé qui me dit : “Comment pouvez vous parler de Dieu”… ? J’ai dit : “Vous avez un papier spécial… Vous avez un papier spécial pour parler de Dieu”… ?

L’Homme est un être qui, dans son arrogance intellectuelle, s’est donné le pouvoir ; et en se donnant le pouvoir, il a voulu le garder parce que le pouvoir ne se donne jamais d’une façon libre, il se donne toujours avec une façon de se “renforcir”. C’est pourquoi je dis qu’aujourd’hui nous sommes prisonniers de l’idéologie, spirituelle, temporelle ; n’importe quelle idéologie, nous sommes prisonniers, nous ne sommes pas capables de voir à travers le jeu de l’idéologie. Pourquoi ?

Parce que nous n’avons pas suffisamment, nous ne nous sommes pas suffisamment habitués à nous-mêmes, à nous-mêmes ! Il y a des gens qui me disent : “Moi je fais partie de tel degré de telle société secrète, moi je fais partie de tel degré de telle société, moi j’ai tant de diplômes universitaires, moi j’ai ceci”… L’ego mesure sa réalité à l’activité psychologique de son moi, ce n’est pas ça la réalité.

Il y a des Hommes qui travaillent dans les champs, il y a de simples fermiers qui, parce qu’ils ne sont pas suffisamment ou autant idéologisés, nous arrivent avec des choses qui font partie du savoir de l’Homme. Ils sont mal parlés parce qu’il n’ont pas l’éducation, ils sont mal formulés parce qu’ils n’ont pas la coloration dans leur savoir, ils n’ont pas la finesse, mais ils ont le savoir.

Il y a de nos grands-parents, de nos vieux, qui intuitent des choses, il y a des jeunes qui intuitent des choses, mais aussitôt que nous nous confrontons à l’idéologie du savoir ou de la connaissance, nous perdons contenance, nous ne sommes pas capables… C’est pour ça que je disais la dernière fois : “L’Homme qui a un gramme de savoir ne devrait pas le laisser écraser par une tonne de connaissances”.

C’est ça que je veux dire, l’éducation elle est là. C’est lorsque l’Homme aura compris ceci qu’il pourra bénéficier de l’éducation, s’appuyer sur lui-même. La fille qui me dit : “Écoutez Monsieur Bernard, j’aimerais prendre le cours d’infirmière, ça m’intéresse beaucoup l’infirmerie” ; mais elle me dit : “Je n’aime pas la situation de l’infirmerie sur le plan politique dans la Province de Québec”.

J’ai dit : “Occupez-vous pas de l’infirmerie sur le plan politique, occupez-vous de vos outils, allez chercher vos outils, peut-être que demain vous travaillerez en Afrique, vous ne savez pas”. On se laisse toujours idéologiser, idéologiser, idéologiser. Qu’est-ce qui se passe autour de soi au lieu de qu’est-ce qui se passe en nous. C’est pour ça que nous n’avons pas de force.

FP : Vous dites que l’ego mesure, alors il est un peu comme un thermomètre ?

BdM : L’ego est un thermomètre et il devrait cesser d’être un thermomètre pour devenir un fer rouge qui, lorsqu’il fait naître la forme, la fait couler, la fait couler, pour qu’il puisse sentir son Esprit, l’ego a de l’Esprit. L’Homme a beaucoup d’intelligence.

FP : Mais l’Homme est annihilé dans son action parce qu’il ne peut pas libérer son agressivité ?

BdM : Parce qu’il a peur de savoir. L’Homme a peur de savoir, parce que le conditionnement social, toutes les formes-pensées, toute notre mémoire, la mémoire collective de l’humanité est un poids contre lui. L’Homme n’a pas de force, c’est pour ça qu’il sera obligé de se rebeller. L’Homme deviendra un jour un volcan, je parle de l’Homme individuel, il deviendra un jour un volcan, et la lave qui coulera sur la face de cette montagne sera son Savoir. Mais il y aura un combat, il y aura une lutte, c’est inévitable.

L’Homme doit lutter contre son irréalité pour toucher à sa Réalité. C’est au-delà de la philosophie, c’est au-delà de la spiritualité, c’est au-delà de la conscience de l’involution, c’est au-delà de tout de ce que l’Homme sait… Elle m’accompagne cette musique !

FP : Merci Bernard de Montréal. (Applaudissements).

mise à jour le 22/08/2024

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